Une nouvelle ville saharienne
Sur les traces de l’architecture traditionnelle

Chabi M., Dahli M.
Enseignants au département d’architecture de l’université Mouloud Mammeri
Tizi-Ouzou (Algérie).

Résumé : Face à la crise en matière d’architecture et d’urbanisme, une expérience assez particulière au nord Sahara Algérien, dans la vallée du M’Zab, mérite d’être étudiée, il s’agit d’une nouvelle ville, dénommée le ksar de Tafilelt, réalisée au sud de Béni-Isguen, un des cinq ksour des Mozabites. Ses initiateurs, réunis autour d’une association non lucrative ‘’Amidoul’’, se sont appuyés pour la réussite du projet, sur la mise en valeur de l’héritage patrimonial matériel et immatériel des structures anciens du M’Zab et des travaux de recherche sur l’architecture bioclimatique, tout en l’adaptant aux commodités de la vie contemporaine. Les concepteurs de Tafilelt ont ainsi procédé en la réinterprétation des principes urbanistiques et architecturaux des villes et maisons Mozabites traditionnelles, donné le vrai sens à la notion de concertation et d’entraide à travers la touiza, la redéfinition des savoirs faire et la réinterprétation d’éléments symboliques des anciens ksour, en mettant à contribution les institutions sociales traditionnelles. Tafilelt est ainsi une nouvelle ville qui s’inscrit dans une optique sociale, économique écologique et patrimoniale, digne des valeurs actuelles de développement durable
La présente communication s’efforce, sur la base du mode d’urbanisation de la vallée du M’Zab, de relever l’impact de l’histoire urbaine locale et des stratégies spatiales d’intégration climatique, dans l’édification de cette nouvelle ville.
Mots clés : architecture bioclimatique, association, ksar, patrimoine, nouvelle ville, développement durable. Abstract : Faced with the crisis in architecture and urbanism, a rather specific to northern Algerian Sahara in the M'Zab valley deserves to be studied, it is a new city, called the Ksar of Tafilelt, conducted south of Beni Isguen, one of five ksour of M’Zab. Its founders, gathered around a non-profit ''Amidoul'', relied for its success on the development of tangible and intangible heritage legacy of ancient structures and M'Zab work Research on sustainable architecture, while adapting to the conveniences of modern life. Tafilelt designers have so proceeded in the reinterpretation of urban and architectural principles of traditional towns and houses of M’Zab given true meaning to the concept of cooperation and mutual assistance through touiza, the redefinition of knowledge and reinterpretation of symbolic elements of the old ksour, by involving the traditional social institutions. Tafilelt is thus a new city that is part of a social perspective, economic and ecological heritage, worthy of the current values of sustainable development.
This paper attempts, on the basis of the mode of urbanization of the valley M'Zab, identify the impact of urban history and local spatial strategies to integrate climate in shaping this new city. Keywords: bioclimatic architecture, association, Ksar, heritage, new town, sustainable development.
2
Introduction
Sous la pression de l’urbanisation accélérée et continue des territoires, des dynamiques engendrées par la globalisation et les impératifs de développement durable, la problématique des formes et modes de gestion de la croissance urbaine s’impose actuellement avec force. Interviennent alors favorablement, contre l’étalement urbain, les modes de densification, régénération urbaine ou la croissance par multiplication de noyaux urbains [B. Benyoucef, 2009]. En effet, La réflexion sur la ville durable est née d’une relecture critique des évolutions urbaines contemporaines prenant notamment à partie l’étalement urbain et la croissance de la motorisation individuelle, le fonctionnalisme et le zonage qui en sont le moteur, l’usage dissipatif des ressources et patrimoine naturels ou encore la sectorisation de l’action publique [Commission Européenne, 1990].
L’attractivité croissante des villes Sahariennes d’Algérie a engendré une agglomération grandissante, le processus d’urbanisation, basé sur l’étalement urbain, a remodelé et reconfiguré l’ensemble de ces territoires, la ville est devenue le lieu majeur du changement social. Ce mode de croissance urbaine conjugué, à l’utilisation irrationnelle de l’espace, a eu des impacts structurants sur la fragilisation de la relation entre l’homme et ses territoires, met en péril les écosystèmes sensibles en déstabilisant les systèmes oasiens qui ont toujours été à l’origine des villes. Les milieux de vie sont ainsi menacés (remontée capillaires des nappes, affaissement des sols, déclin de la phoeniciculture et des systèmes hydrauliques traditionnels comme les foggaras…). A ce danger économique et écologique, ces villes ajoutent l’amplification des problèmes de leur propre gestion (réseaux et déchets, adductions d’eau potables, dégradation des palmerais par l’urbanisation…). Des mesures doivent intervenir pour restituer chacune des villes dans les conditions écologiques spécifiques qui conditionnent leur développement efficient et durable [ANAT 1998]. Il s’agit d’inscrire la marche de l’Algérie de demain en rupture avec la logique d’urbanisation continue par secteurs (SU, SAU, SUF), dans la mesure où cette démarche abandonne l’évolution des villes aux pressions de la demande sociale et hypothèque les chances d’émergence de nos grandes villes comme pôles organisateurs d’espaces régionaux compétitifs.
Néanmoins dans le nord Sahara, précisément dans la vallée du M’Zab, une nouvelle ville (le ksar de Tafilelt) est réalisée, selon ses initiateurs, sous une approche conceptuelle et constructive basée sur le ressourcement dans l’histoire urbaine et architecturale locale, l’idée étant d’inscrire le patrimoine dans le développement urbain durable. Notre choix du champ d’étude est ainsi motivé par cette alternative qui vient s’ajouter aux modes de densification et régénération urbaine dans une logique de lutte contre l’étalement urbain, comme mode de gestion de la croissance urbaine. La présente communication s’efforce, sur la base du mode d’urbanisation de la vallée du M’Zab, de relever l’impact de l’histoire urbaine locale, en terme de patrimoine matériel et immatériel, et des stratégies spatiales d’intégration climatique dans l’édification de cette nouvelle ville qu’est le ksar de Tafilelt.
1. Mode d’urbanisation de la vallée
La vallée du M’Zab, à 600 km au sud d’Alger, est un plateau de calcaire découpé en vallées et ravins qui s’enchevêtrent les uns dans les autres sous forme de filet, c’est une entité géographique et un fait culturel particulier. En effet l’implantation de la société ibadite, dés le début du XIème siècle dans cette région hostile et aride, résulte d’un acte volontaire d’épargner leur religion des menaces de l’ennemi. Mais le défi pour rendre vivable un tel milieu suppose, une gestion de l’espace et une architecture spécifique pouvant traduire matériellement les structures complexes de la société mozabite, de son mode de vie et de sa pensée.
3
1.1 Urbanisation et croissance: Equilibre Homme- environnement L’édification des cinq ksour (El’Atteuf en 1012, Bounoura en 1046, Ghardaïa en 1053, Melika en 1124 et Béni-Isguen en 1347) [B. Benyoucef, 1986] ou petites villes fortifiées qui composent la vallée n’est pas le fait du hasard. La création du ksar, comme ses agrandissements, ont été délibérés [C. et P. Donnadieu / H. et J.-M. Didillon]. Le groupe fondateur choisissait un site selon les possibilités de défense militaire et la disponibilité des ressources en eau, condition qui assure la création de palmeraies indispensables à l’installation humaine. La taille du ksar et l’importance de son espace bâti sont fonction des capacités nourricières du terroir. Quand il est capable de se développer pour recevoir le croît démographique, le ksar se démultiplie, certains écrits relatent aussi qu’une fois la croissance démographique dépasse les capacités de la mosquée, il convient d'en édifier une autre au sommet d’un piton et de fonder une nouvelle ville autour d'elle. Cette règle a été, durant des siècles, le principe constant de la croissance urbaine par multiplication de noyaux, en dehors des étalements urbains opérés depuis 1955. L’édification du nouveau ksar de Tafilelt s’inscrit parfaitement dans la logique ancienne.
Les fondateurs devaient rationnaliser l’acte d’occupation de l’espace en superposant au schéma de variété naturelle, un schéma de variété fonctionnelle. Les sols au fond de la vallée, sillonnés par les cours des oueds, sont affectés à la végétation et à l’aménagement des oasis (palmeraie) alors que les monticules rocheux étaient désignés pour l’implantation des cités. Chacun de ces sites constitue la limite de l’autre [B. Benyoucef, 2009]. L’espace bâti, contenu dans des remparts, est structuré par trois éléments artificiels et symboliques, le puits garant de la vie, la tour garante de la paix et l’aire de prière garante de la doctrine. L’homme et la nature occupent harmonieusement le territoire. Le social, l’économie et l’environnement sont réunis dans une forme de durabilité pour une vie saine et pérenne dans la vallée.
L’image en perspective que la ville du M’Zab offre au regard est celle d’une masse bâtie dressée sur un piton rocailleux, qui s’impose par son ordre serré composé de maisons agglomérées harmonieusement étagées en terrasses. Au point le plus haut, le minaret, dressé vers le ciel, annonce la ville et la protège. Il en est le garant et le système nerveux. Par son ordonnancement et son aspect compact, le ksar traduit la cohérence et la cohésion de son corps social. Enfin la fondation des ksour est rendue possible grâce à la mise en place d’institutions sociopolitiques (la halga des azzaba composée de douze membres, tous des cheikhs, secondée par la djemaa comme pouvoir exécutif) de gestion de la cité et de la société.
1.2 L’architecture traditionnelle : synergie homme-culture-climat
Si l’occupation de l’espace et les modes de croissance urbaine relèvent des traits de la ville durable comme définie aujourd’hui, l’architecture traditionnelle du M’Zab n’en est pas moins spécifique puisqu’elle conjugue culture et climat. Plusieurs architectes célèbres, dont Le Corbusier, témoignent du caractère unique des maisons mozabites. Cette architecture sans architecte a inspiré à André Ravéreau une philosophie de la ville : partir des besoins
MosquéeHabitationsPalmeraieOuedSchéma d'implantation du ksar
4
élémentaires de l'homme, étudier les matériaux locaux, le climat, construire sans ornements, dans la plus stricte logique. En effet, la beauté, l’harmonie profonde et l’unité de pensée qui se dégagent est l’aspect qui frappe immédiatement l’imaginaire du visiteur. Beauté des formes, tout en lignes courbes, presque organiques, harmonisent des couleurs pastel de bleu, d’ocre et de blanc, que le soleil dissout presque dans la luminosité ambiante. Douceur des matériaux, des enduits de plâtre à la fois frustes et solides que la roche calcaire de la région fournit en abondance.
Comme stratégies spatiales d’intégration climatique, la maison traditionnelle développe des concepts dignes d’un répertoire référentiel pour l’architecture durable qui associe confort et respect de l’environnement, nous relevons à cet effet : Une typologie à patio, en réponse à un climat extrême. Le patio est très souvent couvert sur sa plus grande surface, mais possède une ouverture appelée ‘’chebek’’ en haut et au centre, qui lui donne de l’air et de la lumière [Delheure, J. 1986]. Une articulation à la rue par une entrée en chicane, conçue pour préserver l’intérieur des regards étrangers ; Une superposition des patios a pour effet de diminuer la chaleur radiante à l’intérieur ; Une orientation, généralement, sud pour bénéficier en hiver des rayons solaires obliques, les rayons devenus verticaux en été s’arrêtent sur son seuil ; Une hauteur définie par la maximale du soleil en hiver pour faire bénéficier la façade voisine des rayons solaires ; Des espaces couverts / ouverts sous forme de galeries à arcades, orientés généralement sud, pour profiter de la chaleur ambiante en hiver et se protéger des rayons presque verticaux en été ; Une cave qui procure, par l’inertie thermique du sol, une fraîcheur durant la journée ; Une couleur claire pour réfléchir le fort rayonnement solaire et été (la puissance est d’environ 2263 kWh/m²/an dans les régions du Sud) ; L’utilisation de matériaux de construction lourds adaptés au climat. La pierre, généralement la plus utilisé, procure passivement le confort thermique.
2. Restauration d’un système de valeurs lié à une identité locale pour une ville durable
Aujourd’hui de plus en plus l’homme perd le contact de la nature, les espaces verts cèdent devant la ville envahissante, des espèces se perdent, l’air se pollue. Notre science, plus précise et plus puissante, tend d’humaniser la nature, rien de plus inhumain que la nature humanisée par nos machines [M. Roche 1973]. La vallée du M’Zab, tributaire d’un milieu fragile, a connu depuis les années 1950 une croissance urbaine par étalement, d’où des impacts structurants sur la fragilisation de son écosystème et de la relation entre l’homme et ses territoires. La question de la consommation d’espaces sans fin illustre parfaitement la contradiction vis-à-vis des problématiques du développement durable. La palmeraie, espace jadis d’activité économique, de promenade et de fraîcheur, s’offre désormais à l’urbanisation, il est à craindre que cette situation ne soit préjudiciable au patrimoine universel auquel se rattache la ville de Ghardaïa (capitale du M’Zab) depuis 1982.
5
L’urbanisation de la ville, suite au dynamisme économique qu’elle a connu, à l’attractivité qu’elle a de fait exercée sur les populations de son aire métropolitaine et à l’urbanisation mal maîtrisée et excessive, a pour conséquence directe sur la surexploitation des ressources en eau et le déclin de la phoeniciculture, autrement dit de l’élément essentiel à l’équilibre oasien, auquel s’ajoute une approche erronée dans le marché de construction par l’inadaptation à l’environnement naturel, le mauvais choix des sites à implanter, l’inadaptation des matériaux, l’absence de confort, l’ignorance des valeurs culturelles, l’occupation irrationnelle de l’espace… Cette menace suggère une maîtrise de l’urbanisation en prenant exemple sur le mode adopté par les fondateurs des ksour anciens où la croissance par multiplication de noyaux urbains et la recherche d’un équilibre entre l’homme et son environnement étaient immuables, l’étalement y était proscrit. C’est en réaction à ce mode de croissance urbaine que le nouveau ksar de Tafilelt demeure, selon ses concepteurs, une expérience humaine en matière d’urbanisme et d’architecture très particulière par ses approches sociale, urbanistique écologique et patrimoniale, en s’appuyant sur la contribution des institutions sociales traditionnelles. L’implication du futur habitant dans la mise en oeuvre de son foyer, l’interprétation consciente de l’héritage architectural ancien traduit l’innovation salutaire des fondateurs de cette nouvelle ville. 2.1 Présentation du ksar de Tafilelt
Les données suivantes sont données par la fondation Amidoul et contenues dans le document mis en ligne* par la dite association :
o Superficie du terrain : 22,5 Ha
o Superficie résidentielle : 79 670,00 m²
o Nombre de logements : 870
o Début de réalisation : 13 Mars 1997
o Site naturel : terrain rocheux avec une pente de 12 à 15%
o Date d’achèvement : 2006
o Coût du logement : 8 700 DA / m² bâti.
2.2 La croissance de Béni-Isguen par multiplication de noyau
Le projet consiste à créer une nouvelle ville comme extension de l’ancien ksar de Béni-Isguen pour combler le manque de logements. L’implantation impérative dans un milieu rocheux surplombant la vallée est un impératif pour préserver le milieu fragile qu’est la palmeraie et éviter l’étalement urbain. Il s’agit, de la réactualisation du mode de croissance des ksour anciens. Un concept urbain d’actualité puisqu’il traduit la lutte contre l’étalement urbain question centrale des problématiques de développement urbain durable [Yamna Djelouli 2010]. Ce mode de croissance, selon plusieurs recherches :

augmente indirectement la contribution des villes au réchauffement climatique ; contribue également au réchauffement climatique par un autre biais : il s’agit de la difficulté à isoler thermiquement les constructions de faible densité qui accompagnent l’expansion urbaine, celles-ci présentant une interface avec le milieu extérieur importante ; contribue à la disparition des zones agricoles périurbaines ; renforcerait les phénomènes de division sociale. Les sujets de l'étalement urbain et de la mixité sociale sont très liés puisqu'ils constituent deux facettes d'une même question : où se localisent les populations ? La ville dense traditionnelle permettait une certaine mixité.
2.3 La renaissance des coutumes ancestrales Selon Dr Nouh, un des notables de la vallée du Mzab et un des fondateur du nouveau ksar, le projet Tafilelt vise à restaurer certaines coutumes ancestrales basées sur la foi et le « compter sur soi », qui ont permis aux oasis en général et à celles du Mzab en particulier de survivre dans un environnement hostile et de bâtir ce qui est maintenant mondialement connu comme étant une Architecture Millénaire digne de l’appellation « développement durable ». Alliant les pratiques et les valeurs de cohésion et entraide sociales et les normes avec les exigences du confort de l’habitat contemporain, Tafilelt est une nouvelle ville qui s’inscrit dans une optique écologique et sociale.
2.4 La réinterprétation des éléments symboliques
Tafilelt est structuré, en référence aux anciens ksour, d’éléments de repère et à forte valeur symbolique mais souvent adaptés aux besoins de la société actuelle.
2.5 Le principe d’égalité
Rien dans l’apparence extérieure des maisons ne devait marquer les différences de fortune, le riche ne devait pas écraser le pauvre. Cette absence d’ostentation ancestrale très respectée est appliquée à Tafilelt si bien qu’aucune maison ne diffère des autres par sa grandeur ou son style.
7
2.6 L’adaptation à la vie contemporaine Malgré la référence aux principes traditionnels et la représentation des mêmes espaces, le ksar de Tafilelt offre une vision sociale et une appropriation spatiale très contemporaine et moderne par: L’intégration de la voiture, selon une gestion appropriée pour éviter l’inconfort sonore ou la pollution ; L’intégration de la cour, fait nouveau dans la typologie ksourienne, pour augmenter la lumière naturelle dans les espaces bâtis ; L’intégration de la technologie dans les ménages.
3. Les stratégies d’adaptation climatique
L’ingéniosité des bâtisseurs anciens et paysans à propos des problèmes climatiques réside dans leur aptitude à utiliser un minimum de ressources pour un confort relativement maximale, par le choix du site et l’emploi des matériaux adaptés. Si nous prenons le cas des régions qui se caractérisent par un climat chaud et sec, l’homme a su retarder l’entrée de la chaleur aussi longtemps possible par l’utilisation de matériaux locaux naturels et à forte capacité calorifique (ou inertie thermique). Aussi l’utilisant d’une structure géométrique qui fournit un maximum de volume avec une surface minimum exposée à la chaleur extérieure. D’autres stratégies, pour obtenir un confort thermique par voie passive, sont identifiées et reprises à Tafilelt. 3.1 La compacité
Les habitations sont accolées autant que possible les unes aux autres notamment dans la partie centrale, de manière à réduire les surfaces exposées à l'ensoleillement. L’occupation totale de la parcelle (C.E.S = 1) implique que pour une superficie des parois de l’enveloppe (murs extérieurs et plancher-terrasse) évaluée à 329,62 m², seul 140.62 m² sont en contact avec l’environnement extérieur. Le ksar de Tafilelt peut alors être considéré comme organisation urbaine compacte, en comparaison avec le ksar de Béni-Isguen d’une part et les principes de la ville durable d’autre part.



3.2 La ventilation et l’orientation
Le ksar de Tafilelt, situé sur un plateau surplombant la vallée, est exposé à toutes les directions du vent comparativement à la palmeraie qui en demeure très protégée, en raison de son comportement comme brise vent efficace. La majorité des maisons est orientée au sud, ce qui leur procure l’ensoleillement l’hiver (rayons obliques) et sont protégées l’été (rayons verticaux).

3.3 La protection solaire
Afin de limiter le flux de chaleur, les concepteurs de Tafilelt ont mis au point une forme de protection solaire qui couvre toute la surface de la fenêtre, tout en assurant l’éclairage naturel à travers des orifices, une typologie comparable aux moucharabiehs des maisons musulmanes érigées en climat chaud et sec. Pour une meilleure efficacité d’intégration climatique de ces protections solaires, une peinture de couleur blanche y est appliquée. La végétation est introduite dans le nouveau ksar comme élément d’agrément et de confort thermique. La végétalisation des espaces extérieurs permet de guider les déplacements d’air en filtrant les poussières pendant les périodes chaudes et de vent de sable. Les végétaux créent des ombrages sur le sol et les parois, permettent de gérer l’habitabilité des espaces extérieurs et de protéger les espaces intérieurs des bâtiments [Destobbeleire, G. et Izard, J-L 1998]. Mais à part l’ombre créée, des recherches font état d'une réduction de la température de l’air del'ordre de 1 à 4°C en période chaude.

3.4 Les matériaux de construction
Les matériaux de construction utilisés à Tafilelt sont ceux disponibles localement (pierre, gypse, palmier), ce qui ne nécessite pas au stade de leur production, de leur transport et même de leur mise en oeuvre des dépenses d’énergie excessive qui génère de la pollution néfaste pour la santé et l’environnement. Entre les anciens ksour et Tafilelt, le matériau semble un lien fort entre eux. Quant au revêtement extérieur, des techniques traditionnelles sont réactualisée, par l’utilisation d’un mortier de chaux aérienne et de sable de dunes, lequel est étalé sur la surface du mur à l’aide d’un régime de dattes. L’utilisation du régime permet de rendre la texture de la surface rugueuse pour assurer un ombrage au mur et éviter un réchauffement excessif de la paroi.
3.5 L’écologie Un parc des espèces animales et végétales des zones désertiques est projeté par la même fondation Amidoul dans la périphérie de Tafilelt. Ce futur parc comprendra des espaces verts, une station d’épuration des eaux usées, une station d’énergie solaire, un laboratoire scientifique et une salle de conférence. A l’instar de Tafilelt, ce parc de verdure verra le jour dans une zone rocailleuse. A Tafilelt, on ne manque point d’imagination pour faire des déserts les plus rocailleux, des oasis enchanteresses.
Conclusion
Les principes de gestion urbaine et de conception architecturale identifiés dans les ksour anciens ont alimenté les exigences sociales des mozabites en termes de l’histoire, de la culture et des traditions locales mais aussi des contraintes du climat aride chaud et sec. En effet le mode de croissance adopté anciennement relève d’un concept urbain d’actualité, il traduit aujourd’hui la lutte contre l’étalement urbain question centrale des problématiques de développement urbain durable. L’implantation et l’édification du ksar de Tafilelt a permis la restauration de certaines coutumes ancestrales.
La conception architecturale, dans un souci d’intégration climatique, sociale et du respect de l’environnement, marque quant à elle la force de la foi qui caractérise le peuple mozabite. Elle est tout simplement le reflet de l’harmonie profonde et de l’unité de pensée de ce peuple avide de ses coutumes et traditions dans une vision saine pour les générations futures. L’approche suivie pour la concrétisation du ksar de Tafilelt, a permis, selon les initiateurs du projet, l’atteinte de certains résultats, que nous pouvons recentrés en termes d’impacts : Social : Un site urbain pour toutes les couches sociales et un logement pour tous, cohésion sociale, retrouver l’équilibre entre l’homme et le lieu ; Economique : Réduction du coût du logement de 1/3 du coût courant, Arrêt de la spéculation foncière et immobilière ; Environnemental : Préservation de la palmeraie

Bibliographie
Agence Nationale d’Aménagement du Territoire, (A.N.A.T), (1998) «Demain l’Algérie, Les dossiers de maîtrise de la croissance des villes», Alger.
Ayssa, B. (2007) « Comment s’ouvrir de l’intérieur » revue d’architecture, d’urbanisme et d’histoire, Amenhis, n° 12 / Janvier/ Février 2007. Alger.
10
Benyoucef, B. (1986) « Le M’Zab : Les pratiques de l’espace » Editions Entreprise nationale du livre, Alger.
Benyoucef, B. (2009). « Les villes nouvelles. Autopsie d’une expérience locale » in revue vies de villes, n° 13 – Décembre 2009, Editions les Alternatives Urbaines ‘’ALUR’’, Alger.
Commission Européenne (1990) « Le livre vert européen sur l’environnement urbain » Editions Office des publications officielles des communautés européennes, Bruxelles.
Delheure, J. (1986) « Faits et dires du M’Zab » Editions Peeters Publishers, Leuven, Belgique.
Destobbeleire, G. et Izard, J-L (1998) « Rôle de la végétation dans le microclimat : utilisation de la thermographie » actes de la conférence EPIC’98 Lyon, France.
Djelouli, Y. Emilianoff, C. Bennasr, A. et Chevalier, J. (2010) « L’étalement urbain ; Un processus incontrôlable ? Presses Universitaires de Rennes.
Donnadieu C. et P. / Didillon H. et J-M. (1986) « Habiter le désert, les maisons mozabites» Editions Pierre MARDAGA. Bruxelles.
Ravéreau, A. (1982) « Le M’Zab, une leçon d’architecture » Editions Sindbad, 1ère édition en 1951 par Techniques et Architecture, Paris.
Roche, M. et Arthaud (1973) « Le M’Zab, architecture ibadite en Algérie », Editions Société nationale d’édition et de diffusion, Alger.

Commentaires

Articles les plus consultés