L’architecture en terre: une solution pour le Sahel
La terre crue est utilisée
pour les constructions depuis des millénaires dans le monde entier.
Aujourd’hui encore, un tiers de la population mondiale vit dans une
maison en banco. Au Sahel, la terre répond parfaitement aux besoins des
habitants, pourtant elle souffre d’une mauvaise image. Pour montrer que
cette technique ancestrale est toujours pertinente, une ONG italienne
basée à Niamey, le CISP, a lancé un projet de promotion de la terre.
Pourtant, par ses propriétés et sa très grande disponibilité, le banco répond aux enjeux du Sahel : extrême chaleur, rareté du bois et manque de moyens. Convaincues de la modernité de ce type de construction, une architecte belge, Odile Vandermeeren, et une archéologue italienne, Marta Abbado, installées à Niamey, ont lancé un projet de promotion de l’architecture en terre sur deux ans.
Le CISP, avec des ONG ouest-africaines, la ville de Niamey et le gouvernement du Niger, va réaliser un inventaire des savoir-faire du pays. Grâce au financement des pays ACP et de l’Union européenne, des prototypes de maisons et de bâtiments collectifs seront réalisés avec des architectes nigériens. Le Musée national se verra doté d’un pavillon de l’architecture en terre et en 2014, Niamey accueillera un colloque international sur ce thème.
Le banco : un matériau parfaitement adapté au Sahel
Au Niger, en saison chaude, la température peut atteindre 50 degrés Celsius. La terre crue possède une bonne inertie thermique : elle se réchauffe moins vite que d’autres matériaux. Pour le constater, il suffit d’entrer dans la maison de Boubacar Assoumane, formateur pour l’Association nigérienne de construction sans bois. Il vit avec sa famille dans une maison en banco depuis dix ans. « On est toujours bien. Quand il fait chaud à l’extérieur, il fait frais à l’intérieur. Je n’utilise jamais de climatiseur, sourit-il. Alors que dans une maison en tôle ou en béton, c’est invivable, il faut toujours être dehors. »
Ce confort thermique n’est pas un luxe, il répond à une réalité économique. « A Niamey, la majorité des habitants n’a pas l’électricité », rappelle Marta Abbado, chef du projet pour le CISP. « C’est un énorme changement de comportement pour une famille de pouvoir dormir à l’intérieur dans une ville bruyante ou dans une zone où il y a beaucoup de moustiques et donc de risques de paludisme. »
Le banco est disponible presque partout sur le territoire nigérien, ajoute Adam Abdou, directeur général du développement et de la prospective à la ville de Niamey. « Or, nous devons faire face à une explosion démographique avec des moyens limités. Qui dit grande disponibilité dit faible coût : nous n’avons pas à importer des matériaux chers. De plus, c’est une technique de construction qui réduit l’utilisation du bois et comme tous les pays du Sahel, nous sommes touchés par la désertification. »
Redonner une image moderne à l’architecture en terre
Associant le béton à la promotion sociale, de nombreux investisseurs, quand ils le peuvent, préfèrent les matériaux importés au banco.
« Il faut montrer l’exemple, défend l’architecte Omar Bembello, ceux qui ont les moyens de choisir doivent aller vers la terre. » Une idée reprise par Adam Abdou : « je ne peux pas encourager les gens à construire en terre si, moi-même, je vis et travaille dans des bâtiments en parpaings. » Peut-on imaginer des logements de fonctionnaires en terre ? « Bien sûr, répond Elhaj Abdou Ali, du ministère nigérien du Logement. Les ministres de ce pays sont presque tous nés dans des maisons en terre ! »
« Nous voulons montrer que la terre, c’est très moderne », explique Marta Abbado « On peut combiner plusieurs matériaux. En ajoutant au banco un peu de ciment ou en utilisant des briques de terre stabilisée (un mélange de latérite et de ciment, Ndlr), on peut atteindre trois étages sans problème. »
Le projet du CISP vise à constituer une véritable filière pour que ceux qui veulent construire en terre trouvent désormais facilement un cabinet d’architectes, un maître d’œuvre, des maçons… « Il y a beaucoup de professionnels convaincus et motivés », souligne Odile Vandermeeren qui organise déjà depuis un an des rencontres sur le sujet.
En plein cœur de Niamey, dans le quartier terminus, des centaines de briques rouges et brunes sèchent au soleil. Une vingtaine de maçons travaillent sur le chantier d’une maison d’hôtes. Trois bâtiments, un étage et une terrasse. Le responsable du chantier Mouloul Amoumoune n’est pas surpris. A Agadez, d’où il vient, la terre est une évidence. La mosquée date de 1515 et elle est toujours debout.
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